Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
ŒUVRES DE FONTANES.

Agénor a taillé leurs augustes images ;
C’est lui qui, pour les Dieux redoublant les hommages,
Empreint de majesté le front des Immortels,
Et fait tomber le peuple au pied de leurs autels.
Les héros qu’il sculpta, son art les déifie ;
Aussi la Grèce entière à son ciseau confie
Le soin de reproduire à la postérité
Les traits des citoyens morts pour la liberté.
Chaque artiste enviait cette faveur insigne :
La main qui fit les Dieux en a seule été digne.

 Devant les deux héros par la Grèce adorés,
Déjà fume l’encens, et les festons sacrés
Pendent autour du front d’une noire génisse
Qu’à l’instant va frapper le fer du sacrifice.
L’eau lustrale a coulé sur les marbres pieux.
Le prêtre vénérable, au pied des demi-dieux,
Et s’incline et s’écrie : « Ô vengeurs de nos pères,
« Vengez leurs fils : chassez les hordes mercenaires
« Dont l’Asie a sur nous déchainé les torrents.
« Puisse la liberté vaincre tous ses tyrans !
« Et que le sang impur de celui qui l’opprime
« Coule connue le sang versé par la victime ! »

 Il dit, et prend le fer : tout s’unit à sa voix ;
La génisse mugit pour la dernière fois,
Se débat, tombe et meurt au même instant frappée,
Et des flots de son sang au loin l’herbe est trempée.
Le peuple est immobile, et dans un saint transport
Attend que le pontife interroge le sort.