Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
LA GRÈCE SAUVÉE.

D’un œil plein de courroux quelque temps se menacent,
Se rapprochent enfin, se joignent et s’embrassent.
Sur eux tous les regards demeurent attachés.
Leurs mains pressent leurs mains : leurs fronts se sont touchés.
Tels souvent on a vu, dans les bois d’Érimanthe.
Deux taureaux, à l’aspect de leur sauvage amante,
S’irriter, se combattre, et mugissant d’amour,
De leurs dards tortueux se heurter tour à tour :
Tout tremble, et la génisse erre en paix sous l’ombrage.
Cynégire et Glaucus montrent la même rage,
Et plus elle s’accroit, plus ils sont applaudis.
Sur leurs corps déployés leurs muscles sont raidis.
L’un et l’autre avec art observe, se mesure,
Ébranle, est ébranlé, chancelle et se rassure,
Croit tromper son rival et lui-même est trompé,
Attaque et se défend, frappe et se voit frappé.
Ils partagent les vœux de la foule incertaine.
Nul athlète jamais, hors le seul fils d’Alemène,
N’a montré la vigueur qu’on admirait en eux.
Sans cesse, redoublant leurs invincibles nœuds,
Ainsi que deux serpents l’un à l’autre ils se lient,
S’allongent quelquefois, quelquefois se replient,
Se redressent ensemble et ne reculent pas.
On voit, sur la poussière où s’impriment leurs pas,
Ruisseler la sueur dont les flots les inondent.
Leur sein bat sur leur sein : leurs souffles se confondent ;
Tous les deux sont surpris de trouver leur égal.
Tout-à-coup Cynégire aux bras de son rival
Et s’arrache et s’éloigne, et d’un élan rapide
Court et revient frapper le colosse intrépide.