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ŒUVRES DE FONTANES.

Du jour qu’ils ont perdu l’aspect me déshonore,
Trop heureux si bientôt, facile à mes souhaits,
La mort vient dégager les serments que j’ai faits !
Ombres de mes amis, j’ai juré de vous suivre !
Et puisqu’un Dieu jaloux m’ordonne encor de vivre
À la postérité je transmettrai du moins
Les exploits dont mes yeux ont été les témoins.
Je dirai vos vertus, votre illustre défaite :
Déjà de tous côtés la gloire les répète,
Tandis que, s’affligeant de trahir vos grands cœurs,
La victoire à jamais avilit vos vainqueurs.
Hélas ! dans l’avenir on me plaindra peut-être.

 Mon nom est Agénor, et Sparte m’a vu naître.
Là, je fus élevé sous la garde des lois,
Près de Léonidas, descendant de nos rois.
Enfant, il annonçait ses grandes destinées ;
Il m’aima, je l’aimai dès nos jeunes années ;
Deux frères sont unis d’un moins tendre lien,
Et lorsqu’assis au rang du premier citoyen,
Il prit de ses aïeux le sceptre héréditaire,
Je ne vis point son rang changer son caractère ;
Il régna : mais le roi fut toujours mon ami.
À peine sur le trône il était affermi,
Quand d’états en états l’agile renommée
Vint du fond de l’Asie, à l’Europe alarmée,
Raconter de Xerxès les vastes armements,
Et la terre attentive à ces grands mouvements.
Guerriers, est-il besoin qu’à vos yeux je retrace
Les projets du grand Roi, sa marche et son audace,