Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
ŒUVRES DE FONTANES.


 Tandis que vous armiez les rocs et la tempête
Contre un fol ennemi qui nous croit sa conquête,
Vers les monts de l’Œta, l’élite des guerriers
De la Grèce aux Persans dut fermer les sentiers.
À ce poste important c’est Sparte qu’on appelle,
Et le plus dangereux fut le plus digne d’elle.
Sparte reconnaissante accepta cet honneur :
Ce choix a fait sa gloire et combla mon malheur.

 Vous connaissez nos mœurs, nos antiques usages.
Lycurgue, le modèle et l’oracle des sages,
Voulut que ma patrie obéit à deux rois ;
Ils descendent d’Hercule, ils ont les mêmes droits :
Égaux par le pouvoir, égaux par la naissance,
Leur double autorité sagement se balance,
Et tous deux, à leur tour, guerriers ou magistrats,
Président à la paix ou marchent aux combats.
Sitôt qu’à nos tribus la Grèce tout entière
Eut confié le soin de garder sa frontière,
Léonidas, épris du nom de général,
Dispute à son collègue un honneur si fatal ;
Il l’obtient, on ignore à quel but il aspire :
Hélas ! contre ses jours en secret il conspire,
Il se dévoue : il sait, en guidant nos soldats,
Que ce rang fait sa perte, et qu’il marche au trépas.
Il avait des Dieux même appris sa destinée.

 Un jour, se dérobant à ma vue étonnée,
Il quitta son palais sans escorte et sans bruit.
Tout-à-coup sur ses pas l’amitié me conduit.