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LA GRÈCE SAUVÉE.

Je pleure, et tout-à-coup du plus grand des humains
Je baise avec respect les généreuses mains.
Hélas ! lui dis-je, au moins permets-moi de te suivre !
Il m’embrasse : à mon cœur son cœur ému se livre :
« Ô mon cher Agénor, tu seras près de moi,
« Je mourrai dans tes bras, je t’en donne ma foi ;
« Viens ; ma gloire est la tienne : ami, pourquoi ces larmes ?
« À toi seul, en tombant, je remettrai mes armes. »
Ainsi parle un héros, et sans rien dévoiler,
Au poste du péril il demande à voler ;
Des Éphores lui-même il gagne les suffrages,
Et de sa mort prochaine adorant les présages,
Il marche au-devant d’elle et presse son départ.
Du bataillon sacré, notre plus sur rempart,
Des plus grands citoyens il a choisi l’élite,
Et trois cents ont l’honneur de marcher à sa suite.
L’oracle trop fatal n’est connu que de moi.

 Mais sa chère Amyclé, fille du dernier roi,
Son épouse, entrevoit un funeste mystère ;
Elle veut découvrir ce qu’on cherche à lui taire.
Un soir, triste et pensive, au seuil de son palais,
Elle attend son époux qui, loin d’elle, à jamais
Doit fuir, doit s’exiler dès la prochaine aurore ;
Elle attend et gémit, et tout bas elle implore
Deux héros, dont les traits sur le bronze tracés,
Pour l’exemple des rois, en ce lieu sont placés :
C’est Alcide et Lycurgue, objets de nos hommages ;
Une mousse sacrée entoura leurs images ;
Alcide triomphant d’un lion abattu