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LA GRÈCE SAUVÉE.

Une fausse allégresse a caché ses douleurs ;
Il rit d’un air stupide, et devient plus horrible ;
L’Eumnénide à l’instant lève son fouet terrible :
« Sophiste, lui dit-elle, abaisse un fol orgueil,
« Je vais te rendre aux vers qui rongent ton cercueil. »
L’insensé, reprenant sa raison toute entière,
Tombe, frappé d’effroi, sur son lit de poussière ;
Mais, des rêves affreux jusqu’au prochain réveil
Y tourmentent encor son pénible sommeil.
Quand il croit s’endormir, s’anéantir peut-être,
Il revoit la Furie, et, forcé de renaître,
Sans terme et sans repos, joint par un double sort
Ce qu’ont de plus cruel et la vie et la mort.

 À ce spectacle affreux, Thémistocle recule,
Il s’éloigne, et croit voir un pale crépuscule
Qui, perçant à travers la vaste obscurité,
De l’empire infernal montre l’extrémité.
Un séjour moins horrible à ses yeux se présente.
Toutefois, accablés d’une chaîne pesante,
Des malheureux gisaient sur la terre abattus ;
D’un vêtement de feu quelques-uns revêtus,
Marchaient en invoquant le Dieu qui les châtie.
Comme autrefois on peint la fidèle Clytie
Qui, dès l’aube en tournant jusqu’à la fin du jour,
Fixait sur le Soleil un regard plein d’amour ;
Tels les infortunés qui peuplent cette enceinte
Lèvent au Ciel des yeux où la douleur est peinte ;
Mais leur douleur n’est point un morne désespoir ;
Le Ciel à leurs soupirs peut un jour s’émouvoir.