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ŒUVRES DE FONTANES.

De leurs pieux remords l’air en tout temps résonne.
Telle on entend gémir la plaintive Alcyone,
Quand, d’une aile inquiète errant autour des flots,
Elle frappe d’effroi les pâles matelots,
Et de Ceyx encor déplorant le naufrage,
Jette un lugubre cri, précurseur de l’orage.

 Thémistocle est ému. « Les Dieux vengent leurs droits
« Reprend soudain son guide, et par de justes lois
« L’âme humaine en ces lieux doit expier ses vices.
« Celles qu’amollissaient de honteuses délices,
« Sous le poids de leurs fers sont captives mille ans ;
« Et celles que le monde, en ses flots turbulents,
« A d’erreurs en erreurs sans relâche emportées,
« D’un feu qui ne meurt point sont encor tourmentés.
« Ô quel langage humain peut tracer vos regrets,
« Tendres cœurs que Vénus accabla de ses traits !
« Sapho toujours se plaint, et seule entre ces roches,
« A de son sexe même évité les approches ;
« Les pieds nus, le front pâle, et les cheveux épars,
« Elle croit voir Leucate au fond de ces brouillards ;
« Mais, oubliant les airs de sa muse profane,
« Elle chante Vesta, la Pudeur et Diane.
« Lève les yeux, regarde en ces noirs tourbillons,
« De rochers en rochers, de vallons en vallons.
« Rouler du beau Pâris l’inconsolable amante !
« Là, Biblis du Léthé cherche l’onde dormante.
« Elle s’écrie en vain : « Ô fleuve du repos !
« Je brûle, éteins mes feux, plonge-moi dans tes flots ! »
« Le fleuve est inflexible, et Biblis repoussée