Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
345
LA GRÈCE SAUVÉE.

« D’un frère au fond des eaux voit l’ombre courroucée.
« Ces supplices pourtant ne sont point éternels,
« Jupiter s’attendrit : ce père des mortels
« Daigne, en les punissant, veiller sur son ouvrage ;
« Quand un Dieu les opprime, un autre les soulage.
« Le pardon est promis : vois-tu vers l’Orient
« Ce temple aérien au portique riant ?
« Sur l’autel avec grâce une jeune Déesse
« De renaissantes fleurs se couronne sans cesse :
« Son charme est immortel ; que d’heureux elle a faits !
« Tout, hormis le Tartare, a connu ses bienfaits.
« Un arc aux sept couleurs, rayonnant sur sa tête,
« Calme ici quelquefois la trop longue tempête
« Des orageux désirs qui tourmentent les cœurs ;
« Le deuil cesse, et Thémis tempérant ses rigueurs,
« Au pied de cet autel qu’implore la souffrance,
« Grava ces mots : « Priez, et gardez l’Espérance. »

 Le Dieu dit : le guerrier voit des mânes en pleurs
À l’envi dans ce temple apporter leurs douleurs.
Il distingue surtout deux ombres gémissantes :
Leur grâce et leur jeunesse, et leurs voix innocentes,
Et leurs regrets naïfs ont ému le héros :
« Quels sont vos noms ? » dit-il. - « Je naquis à Sestos,
« Je m’appelais Héro, celui-là fut Léandre.
« Hélas ! de son amour j’aurais dû me défendre.
« Le soir, quand j’eus promis de répondre à ses vœux.
« La couronne de fleurs, qui parait mes cheveux,
« Tomba sous un cyprès dont le sombre feuillage
« Rembrunissait la tour, prison de mon jeune âge.