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M. DE FONTANES

Forêt de Navarre, il tint compte dans sa refonte de presque toutes les critiques de détail, même de celles où Garat avait tort. Voilà de la sensibilité de poëte, mais bien modeste et docile.

Garat, que nous trouvons ainsi au début de Fontanes, et qui, nonobstant son article sévère, d’ailleurs très convenable, fut et resta lié avec lui dans les années qui précédèrent la révolution, Garat, plus âgé de plusieurs années, nous offre à certains égards, et en fait de destinée littéraire, le pendant du poëte dans le camp opposé, dans les rangs philosophiques : grand talent de prosateur, s’essayant d’abord aux éloges académiques, se dispensant en tout temps aux journaux, puis intercepté brusquement par la révolution et désormais lancé à tous les souffles de l’orage ; exemple déplorable et frappant du danger de ne se recueillir sur rien, et, avec des facultés supérieures, de ne laisser qu’une mémoire éparse, bientôt naufragée ! Durant la révolution, soit sous la terreur, soit après fructidor, Fontanes crut avoir beaucoup à se plaindre de lui, et il rompit tout rapport avec un adversaire, au moins indiscret, qui se figurait peut-être, dans son sophisme d’imagination, continuer simplement envers le proscrit politique l’ancienne polémique littéraire. Mais, sans faire injure à aucune mémoire, et dans l’éloignement où l’on est de leur tombe, on ne peut s’empêcher de pousser le rapprochement : Garat, avec plus de verve et bien moins de goût, louant Desaix et Kléber, comme Fontanes louait Washington ; Garat se flattant toujours d’élever le monument métaphysique dont on ne sait que la brillante préface, comme Fontanes se flattait de l’achèvement de la Grèce sauvée ; mais, avec une imagination trop vive chez un philosophe, Garat n’était pas poëte, et l’avantage incomparable de Fontanes, pour la durée, consiste en ce point précis : il lui suffit de quelques pièces qu’on sait par cœur pour sauver son nom.

À leur date, la Chartreuse et le Jour des Morts, déjà un peu passés, mais à maintenir dans la suite des tons et des nuances de la poésie française ; sans date et de tous les instants, les