Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
LA GRÈCE SAUVÉE.

Il dit : et sur la tombe il épanche une eau pure,
Dépose quelques fleurs et suspend une armure.
Tandis que nous foulions ces illustres débris,
Un inconnu soudain s’offre à nos feux surpris.
Il semblait agité d’une sombre pensée.
Tantôt sur un cercueil sa vue était fixée,
Tantôt il regardait les astres de la nuit.
Nous observons ses pas, il nous voit et s’enfuit,
Il s’enfuit dans le sein des tombes démolies ;
Et sous ses pieds roulaient les cuirasses vieillies,
Les casques et les dards, et les longs javelots,
Qu’on enfermait jadis pris du corps des héros.
Là, seul entre les morts et les royales ombres,
Et tous les demi-dieux planant sur ces décombres.
Il s’enferme, et réclame avec autorité
Le secret et les droits de l’hospitalité.
On l’interroge en vain, il garde le silence.
Léonidas lui-même et se nomme et s’avance,
Et veut que l’inconnu parle enfin sans effroi.
L’étranger se rassure au nom de notre roi ;
« Je parlerai, dit-il ; un descendant d’Alcide
« Envers le suppliant ne sera point perfide.

 « Roi de Sparte, tu vois un malheureux banni
« J’ai déserté la Grèce, et j’en suis trop puni ;
« Elle a beau m’opprimer, je l’aime, et mon audace
« Brave, pour la revoir, le décret qui m’en chasse
« Mycène est mon pays, Strophius est mon nom
« Des fils de Pisistrate autrefois compagnon,
« J’ai suivi leur fortune, et mon âme flétrie