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LA GRÈCE SAUVÉE.

Un vieux pâtre, un pécheur dont le toit de roseaux
S’ouvre à l’infortuné qu’un Dieu sauva des eaux.
Tout est désert : il marche entouré du silence,
S’arrête, et marche encore, et trouve un bois immense
Qui, sous de longs berceaux de cèdres, de palmiers,
À ses pas incertains ouvre mille sentiers.
C’est là qu’il se repose, et près d’un tronc sauvage
Jette ses vêtements qu’a trempés le naufrage ;
Là, du limon des ceux son corps tout dégoûtant
Se plonge, et se réchauffe, et se roule et s’étend
Au fond d’un lit de mousse et de feuilles séchées.
Les branches d’un dattier vers sa main sont penchées ;
Il en cueille les fruits, il apaise sa faim,
Et cède au dom sommeil qui le subjugue enfin.
Après un long repos Eschyle se réveille ;
Un chant mélodieux a frappé son oreille ;
Il écoute, et soudain se montre à son regard,
Près d’une yeuse antique, un auguste vieillard
Qui doucement l’approche et daigne lui sourire.
Du vieillard inconnu la main touche une lyre,
Et sur son front s’étend ce bandeau révéré,
Ornement d’un pontife aux Muses consacré.
Il chantait Apollon et l’éloquent Mercure
Ce Dieu des voyageurs, dont la main toujours sure
Les guide après la course au terme du repos.
Il prend la main d’Eschyle et lui parle en ces mots :
« Mon fils, parcours en paix ces sauvages retraites.
« Sois sans crainte : le Ciel protége les poëtes.
« Le Ciel depuis longtemps t’attendait dans ce lieu. »
Eschyle ému se lève : « Es-tu mortel ou Dieu ?