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LA GRÈCE SAUVÉE.

Seul, au désert ému racontait son amour ;
Ou telle, vers le Nil, aux premiers feux du jour.
On dit que de Memnon la statue animée
Salue en sons plaintifs l’Aurore bien-aimée.
Eschyle s’oubliait : mais, ô charme nouveau !
En foulant le gazon qui croît près du tombeau,
Il entend, à travers la pierre sépulcrale,
Une magique voix sortir par intervalle,
Plus douce que les airs de l’antique Lima.
Les oiseaux invités par ces sons inconnus
S’approchent du cercueil, redoublent d’allégresse ;
Ils ont mis dans leurs chants plus d’amour et d’ivresse.
Et formant avec eux d’ineffables concerts,
La tombe harmonieuse enchantait ces déserts :
Les pins et les cyprès ont incliné leurs tiges.

 Mais dans ces mêmes lieux, où les plus doux prodiges
D’Eschyle suspendu ravissaient tous les sens,
Vient un autre guerrier sous l’habit des Persans.
Il s’approche, un esclave accompagnait sa trace ;
Eschyle, en le voyant, n’en croit que son audace,
Brave un double péril, et tire avec fierté
Son glaive qui toujours dans ses mains est resté.
L’adversaire d’Eschyle est généreux et brave ;
Il s’arme, mais sa voix défend à son esclave
De l’aider lâchement contre un seul ennemi.
Déjà le fer résonne, et la tombe a frémi ;
Elle s’ouvre : à tous deux ces mots se font entendre :
« Homère était mon nom ; là repose ma cendre.
« Et dès longtemps j’habite avec les demi-dieux.