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ŒUVRES DE FONTANES.

« Poëtes, qu’à dessein je rassemble en ces lieux,
« Fils du Ciel, en mon nom, calmez votre colère.
« Si Mars vous a traînés sous un drapeau contraire,
« Que des Muses au moins les célestes appas
« Réunissent vos cœurs au milieu des combats.
« Au nœud de l’amitié les Muses sont fidèles.
« Approchez-vous, jurez de vous aimer comme elles.
«Vous seuls aurez touché mon tombeau de vos mains ;
« Qu’après vous pour jamais il se cache aux humains ! »
La voix cesse à l’instant : les guerriers en silence
Forment aux pieds d’Homère une sainte alliance,
L’attestent à genoux, l’invoquent dans leurs vœux,
Et, penchés sur son urne, ils s’embrassent tous deux.
Le Mède parle enfin : « Je suis roi, je suis mage,
« On m’appelle Otanès, et le même naufrage
« Nous a jetés tous deux au fond de ces déserts.
« Quelquefois Ecbatane a répété mes vers ;
« J’ai partout recherché les poëtes, les sages ;
« Du nom d’Homère épris, je vins sur vos rivages ;
« Quelques-uns de ses chants ont passé jusqu’à nous :
«Puissé-je avoir l’honneur de les rassembler tous ! »
Il dit : Eschyle montre au chantre d’Ecbatane
Le volume sacré qu’il dérobe au profane,
Et même entre ses mains il daigne confier
Ces vers que du grand Roi tout l’or ne peut payer.
Otanès à son tour donne au chantre d’Athènes
Des hymnes que lui-même, en ses courses lointaines,
Apprit d’un peuple antique et proscrit en cent lieux,
Dont Cyrus autrefois affranchit les aïeux.
Enfin ils ont quitté cette tombe sacrée,