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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/513

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ŒUVRES DE FONTANES.

C’est lorsqu’en ses foyers, citoyen, père, époux,
Aux plus simples devoirs sa grandeur s’humilie,
C’est près de ses enfants qu’il conçoit Athalie ;
Il négligeait Condé pour jouer avec eux ;
Mais ses fils à leur tour l’instruisaient dans leurs jeux
Et de plus près alors saisissant la nature,
De l’aimable Joas il leur dut la peinture.
L’ornement du grand homme est la simplicité.
Dirai-je que Voltaire a souvent regretté
De prodiguer sa gloire à ce monde frivole,
À ces cercles brillants dont il était l’idole ?
Mais lui-même à leur bruit il savait s’arracher ;
À Cirey, dans Sully, je le vois se cacher ;
Deux ans, loin de Paris, chez le libre insulaire,
Aux bords de la Tamise, il médite, et s’éclaire.
Et, non loin du Jura, cherche enfin le repos,
Que du Nord vainement lui promit le héros.
Et qui sait mieux que toi goûter la solitude,
Cher Ducis ? la nature est ta première étude.
Tu saisis quelques traits de sa simplicité
Dans ce tragique Anglais, sans doute trop vanté,
Mais qui plus d’une fois, par sa brute éloquence,
Au goût présomptueux ordonne le silence.
Avec lui de l’Écosse entrouvrant les tombeaux,
Ou des héros Danois perçant les vieux châteaux,
D’Hamlet et de Léar tu cours évoquer l’ombre.
Ta voix tonne, et Macbeth, sortant de la nuit sombre
À regret se réveille, et tremblant à ta voix,
Vient subir le remords une seconde fois.
C’est donc à toi qu’enflamme un tragique génie.