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VARIANTES.

vous dans un espace borné des effets confus et disproportionnes avec leur cadre, quand je peux les admirer dans toute leur grandeur naturelle, en me promenant au hasard, et en regardant autour de moi ? Les exemples sont près de nous. Qu’un homme, vraiment ami de la campagne, aille se placer, dans un beau jour, sur les hauteurs du mont Valérien, ou, qu’abandonnant la routes publiques, il traverse le chemin pittoresque et sauvage qui sépare Rueil et Marly ; qu’il s’élève ensuite sur la belle terrasse de Saint-Germain ; et que plus près encore, il se promène au milieu de l’été dans cet agréable pré Saint-Gervais ; n’aura-t-il pas une variété de scènes et de perspectives que ne peuvent jamais offrir tous ces colifichets bizarres qu’on multiplie autour de Paris en honneur du bon goût et de la simplicité ? Et que serait-ce, si on pouvait transporter l’observateur au fond des provinces où les beautés champêtres ont été moins dégradées, et choisir à son gré de belles ou de riantes situations ? Était-il besoin de tous vos efforts pour entasser mesquinement ce qui est prodigué partout à si peu de frais et avec tant de magnificence ? Mais, direz vous, l’effort se fait bien plus sentir dans les compositions de Le Nôtre. J’en conviendrai peut-être, et je ne lui ferai point le même reproche qu’à vous. Le Nôtre n’a point prétendu faire les jardins de la nature ; il a voulu rassembler toutes les merveilles des arts dans les habitations des génies et des fées. La nature vaut mieux sans doute, mais la nature telle qu’elle est dans toutes ses proportions. Après elle, les retraites d’Armide et d’Alcine ont leur enchantement et leur séduction, et sont bien préférables aux imitations grossières du grand modèle que vous défigurez.

« On insiste : on prétend que les jardins réguliers ne peuvent donner de longs plaisirs, parce que leur ordonnance en fait embrasser toutes les parties à la fois ; et que par conséquent ils lassent bientôt par leur monotonie.

« Ne peut-on pas en dire autant d’un tableau, d’un monument d’architecture, d’un poëme, d’une tragédie ? Plus ces ouvrages se-