Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/555

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
428
VARIANTES.

ront beaux dans leur genre, et plus on doit en saisir le plan avec facilité. En un mot, il n’est rien de vraiment admirable dans les ouvrages de l’homme sans proportion dans l’ensemble et les détails. D’ailleurs est-il bien vrai que des jardins comme ceux des Tuileries, de Marly, etc., ne donnent que de l’étonnement, et produisait l’ennui quand on les a parcourus une fois ? Je suis persuadé du contraire par ma propre expérience, et par celle de beaucoup d’autres, qui sont exempts de préjugé.

« On accuse, avec la même injustice, les parcs du siècle passé, de montrer leurs bornes trop facilement, et d’être séparés du reste de la campagne. Je prendrai pour exemple celui de Sceaux, parce qu’il n’est pas, à beaucoup près, le plus fameux. Dès l’entrée, l’œil embrasse un paysage immense, qui semble appartenir au parc lui-même, et toutes les limites sont déguisées. Le Nôtre et ses imitateurs ont très bien su diriger la vue vers les aspects environnants les plus agréables : ils ont même ménagé dans leur dessin général des parties assez agrestes, assez solitaires, pour qu’on perde de temps en temps, si l’on veut, les traces de la main de l’homme. Remarquons aussi en leur faveur, qu’ils ont souvent travaillé sur un sol rebelle, et qu’ils étaient obligés à chaque instant de créer leurs tableaux. Mais ils n’ont point détruit ceux de la nature quand ils les ont trouvés. De quoi s’applaudissent donc les artistes modernes ? Ils suivent, disent-ils, le modèle que leur a laissé Milton, dans sa fameuse description d’Éden. Certes, quand ils pourront disposer de quatre fleuves, de hautes montagnes, des fruits et des animaux de tous les climats, ils auront droit de créer comme le poëte anglais. Ne voient-ils pas que c’est moins un jardin qu’il a voulu peindre, que la nature toute entière dans sa beauté naissante, et rassemblée sous les yeux de son Souverain ? Si je voulais retrouver l’Éden, je n’irais sûrement chercher ni Blenheim ni Kew, ni toutes ces prétendues merveilles chinoises qui ont précédé celles de l’Angleterre ; je me transporterais dans les belles régions de l’Asie, dans quelque solitude de cette terre féconde, que