Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
VARIANTES.

le temps n’a point encore usée sous les révolutions de la nature et sous celles des empires. Je pourrais même trouver, plus près de nous, au milieu de la Suisse, quelque image de cet heureux séjour habité par l’innocence. Mais fera-t-on jamais croire à un homme sensé que le peuple qui, de l’aveu des voyageurs, a toujours eu le moins de goût et d’imagination, que les Chinois, qui donnent de si odieuses formes à leurs figures, ont seuls connu les véritables décorations champêtres, quand on suppose, d’un autre côté, que le génie du peintre, celui du poëte et du philosophe suffisent à peine pour former un jardin ? Quelle inconséquence ! N’est-il pas plus vraisemblable que les Chinois n’ont fait que d’informes caricatures dans ce genre comme dans tous les autres ? Les bonnes qualités même qu’on leur accorde ne sont point celles qui secondent les progrès des arts. C’est pourtant leur exemple que nous citent sans cesse les Anglais. Plusieurs avouent même qu’ils sont loin du peuple original. On en a trop dit pour ceux qui savent réfléchir : il est temps de venir à Ermenonville.

« Ce parc fameux a d’abord un caractère triste et rembruni qui tient peut-être au sol, mais qui n’en st pas moins un défaut essentiel. C’est aussi là celui des parcs d’Angleterre. On peut sans doute, dans un paysage orné, ménager des retraites pour la mélancolie : mais il doit attirer par un aspect aimable dans son ensemble. Il faut plaire avant de chercher même le grand et le sublime. Ce qu’on appelle les fabriques des jardins est exécuté avec peu de goût et de soin dans les jardins d’Ermenonville. Y a-t-il rien de plus médiocrement composé que ce temple de la Philosophie, qu’on trouve non loin de l’île des Peupliers ? De plus, ne peut-on pas demander pourquoi vous placez le temple de la Philosophie dans un lieu où vous ne voulez être que le copiste de la nature ? Et que ne dirait-on pas de cette tour de Gabrielle ? Que l’effet en est incohérent avec le reste ! Qu’il est faible, et qu’il rappelle peu surtout les idées riantes attachées au souvenir de la maîtresse de Henri IV ! Dans le bocage où l’on a élevé une assez triste retraite au Repos et aux Muses, une eau trop souvent bourbeuse détruit le