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M. DE FONTANES

devant l’Empereur impatient, et presque contre M. de Bonald lui-même qui ne bougeait de Milhaud. Il eut moins de peine à faire agréer l’excellent M. Emery de Saint-Sulpice. Il fit nommer conseiller encore le P. Ballan, oratorien, son ancien professeur de rhétorique ; M. de Sèze, frère du défenseur de Louis XVI, fut recteur d’académie à Bordeaux. Ces noms en disent assez sur l’esprit des choix. Ceux de M. de Fontanes n’étaient pas d’ailleurs exclusifs ; sa bienveillance, par instants quasi naïve, les étendait à plaisir, et lui-même proposa deux fois à la signature de l’Empereur la nomination de M. Arnault, assez peu reconnaissant : « Ah ! c’est vous, vous, Fontanes, qui me proposez la nomination d’Arnault, fit l’Empereur à la seconde insistance ; allons, à la bonne heure[1] ». Quand M. Frayssinous vit interdire ses conférences de Saint-Sulpice, et se trouva momentanément sans ressources, M. de Fontanes, sur la demande d’une personne amie, le nomma aussitôt inspecteur de l’Académie de Paris. Sa générosité n’eut pas même l’idée

    à savoir s’il a le talent nécessaire, s’il a un bon esprit, et si l’on peut compter sur les sentiments qui guideraient ses recherches et conduiraient sa plume. »

    Tout ce qu’il y a de profondément vrai et de radicalement faux dans cette note mémorable serait matière à longue méditation. Napoléon décrète l’esprit de l’histoire ; c’est heureux qu’il ne décrète pas aussi le talent et la capacité de l’historien. Qu’en dirait Tacite ? Il faut… il faut… Ce Tacite aurait été découragé par la police. On a souvent cité une réponse de Napoléon à Fontanes, quand celui-ci recommandait un jeune homme de haute promesse, en disant : « C’est un beau talent dans un si beau nom. » — « Eh ! pour Dieu ! M. de Fontanes, aurait reparti Napoléon, laissez-nous au moins la république des lettres ! » Je ne sais si le mot a été dit ; il a été mainte fois répété, et avec variantes : ce sont de ces citations commodes. Mais de quel côté donc (cela fait sourire) la république des lettres était-elle en danger, je vous en prie ?

  1. M. Arnault, conseiller de l’Université et à la fois secrétaire du conseil, fut à même de contrarier de très près le grand-maître et de prêter secours à la résistance de Fourcroy. Il faut dire pourtant que, dans les Cent-Jours, devenu président du conseil, il se conduisit bien et avec égards pour les amis de M. de Fontanes dans l’Université. Il a parlé de lui, un peu du bout