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M. DE FONTANES

qu’il pût y avoir inconvénient pour lui-même à venir ainsi en aide à ceux que l’Empereur frappait. La vie de M. de Fontanes est pleine de ces traits, et cela rachète amplement quelques faiblesses publiques d’un langage, lequel encore, si l’on veut bien se reporter au temps, eut toujours ses réserves et sa décence.

Un jour, à propos des choix trop religieux et royalistes de M. de Fontanes dans l’Université, l’Empereur le traita un peu rudement devant témoins, comme c’était sa tactique, puis il le retint seul et lui dit en changeant de ton : « Votre tort, c’est d’être trop pressé ; vous allez trop vite ; moi, je suis obligé de parler ainsi pour ces régicides qui m’entourent. Tenez, ce matin, j’ai vu mon architecte ; il est venu me proposer le plan du Temple de la Gloire. Est-ce que vous croyez que je veux faire un Temple de la Gloire ?… dans Paris ?… Non ; je veux une église, et dans cette église il y aura une chapelle expiatoire, et l’on y déposera les restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Mais il me faut du temps, à cause de ces gens (il disait un autre mot) qui m’entourent. ». Je donne les paroles ; les prendra-t-on maintenant pour sincères ? La politique de Bonaparte était là ; tenir en échec les uns par les autres. Le dos tourné à Berlier et au côté de la révolution, il jetait ceci à l’adresse de Fontanes et des monarchiens.

En 1811, dans cet intervalle de paix, il s’occupa beaucoup d’Université. Un jour, dans un conseil présidé par l’Empereur, Fontanes, en présence de conseillers d’État qu’il jugeait hostiles, eut une prise avec Regnault de Saint-Jean-d’Angely, et il s’emporta jusqu’à briser une écritoire sur la table du conseil. L’Empereur le congédia immédiatement : il rentra chez lui, se jugeant plus que compromis et songeant déjà à Vincennes. La soirée se passa en famille dans des transes extrêmes, dont on n’a plus idée sous les gouvernements constitutionnels. Mais, fort avant dans la soirée, l’Empereur le fit mander et

    des lèvres, mais avec convenance, dans ses Souvenir d’un Sexagénaire, tom. Ier, pag. 291-292.