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ESSAI SUR L’HOMME.

Où l’audace insensée, affrontant le trépas,
Meurt pour un gain douteux et des maîtres ingrats.
Le juste quelquefois s’endort dans la paresse ;
Le calme de son cœur est toute sa richesse.
Mais donnons-lui de l’or : est-ce assez ? Non : pourquoi
N’a-t-il pas la santé ? que n’est-il grand ou roi ?
Eh bien ! que des grandeurs l’appareil le décore ;
Donnons-lui tous les biens. Tu désires encore !
Change, change plutôt, mortel ambitieux,
Et la terre en Olympe et les hommes en Dieux !
Dois-tu, faible sujet, t’égaler à ton maître ?
Et, s’il est infini, tes vœux doivent-ils l’être ?
Ah ! modère l’essor de ces vœux insensés !
Pouvant te donner plus, le Ciel te donne assez.
Tu cherches le bonheur ! rentre au fond de toi-même ;
La douce paix de l’âme est le bonheur suprême ;
Quel autre bien plairait au mortel vertueux !

 Veux-tu qu’en attelant six coursiers fastueux,
L’humilité se place au char de l’opulence ?
Que l’austère justice, au lieu d’une balance,
Porte des conquérants le glaive ensanglanté ?
Qu’un bonnet de docteur couvre la vérité ?
Et que l’amour des lois obtienne pour salaire
Ce qui le corromprait, la puissance arbitraire ?
Insensé ! quoi ? ton cœur de ces riens est épris !
Le Ciel, pour la vertu, n’a-t-il point d’autre prix ?
Es-tu toujours enfant ? faut-il qu’à ton oreille
Résonne un grelot d’or qui t’endorme et t’éveille ?
Faut-il que ta nourrice, accourant à tes pleurs,