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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/113

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ŒUVRES DE FONTANES.

Par l’espoir des bonbons charme encor tes douleurs ?
La main de l’homme fait doit-elle être occupée
À tourner un sabot, à parer sa poupée ?
Pauvre fou, réponds-moi : quand tu perdras le jour,
Crois-tu, comme le nègre, au céleste séjour,
Retrouver ta bouteille, et ton chien et ta femme ?
Cherchons plus haut les biens qui sont faits pour notre âme ?
Du même œil de pitié regardons à la fois
Le grelot des enfants et le sceptre des rois.
Rangs, fortune, pouvoir, qu’êtes-vous pour le sage ?
Il vous croit un écueil plutôt qu’un avantage.
Que de vieillards, séduits par ces dons éclatants,
Ont flétrí les vertus qui paraient leur printemps !

 Oui, l’honnête homme seul, sans remords, sans ivresse,
Peut jouir sagement d’une noble richesse ;
Seul, il peut obtenir et l’estime et l’amour.
On vit plus d’un sénat marchande par la cour ;
L’or acheta les rangs, on les vendit au crime ;
Mais on ne vend jamais ni l’amour ni l’estime.
Quoi ? cet ami du Ciel et de l’humanité,
Qui possède à la fois la paix et la santé,
L’homme exempt de remords plaindra ses destinées,
S’il n’a pour revenu trois fois mille guinées !

 N’attache point aux rangs ou la honte ou l’honneur :
Homme ! fais ton devoir, c’est la seule grandeur.
Le destin nous habille ou de pourpre ou de bure.
Un traitant, chargé d’or, est fier de sa parure ;
Mais il rit peu, dit-on ; et l’heureux savetier