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ESSAI SUR L’HOMME.

  Mais sur le peu de mérite
  De ceux qu’elle a bien traités,
  J’eus honte de la poursuite
  De ses aveugles bontés ;
  Et je passai, quoi que donne
  D’éclat et pourpre et couronne,
  Du mépris de la personne
  Au mépris des dignités.


Vois Bacon de son siècle exciter les mépris ;
Bacon, ce demi-dieu, dont les savants oracles
De l’humaine pensée annonçaient les miracles,


J’ai cherché à désigner moins vaguement le génie de Bacon, et j’ai affaibli le dernier trait du vers de Pope, dont voici le sens : Vois Bacon, le plus habile, le plus éclairé, et le plus méprisable des hommes !

Quoi ? c’est Pope, si souvent déchiré par la haine ; c’est Pope, que ses ennemis ont peint comme un monstre ; c’est Pope, qui devait se défirr des injustes préventions élevées par les esprits médiocres contre les esprits supérieurs, c’est lui qui appelle Bacon le plus méprisable des hommes ! Je suis loin de vouloir affaiblir le témoignage de l’histoire ; mais ne devons-nous pas lui demander des preuves évidentes, quand elle veut flétrir des hommes tels que Bacon ? Le genre humain, qu’ils ont éclairé, ne doit consentir qu’à regret à mépriser ses bienfaiteurs. Qui ne sait, d’ailleurs, avec quelle maligne joie le peuple de tous les rangs recherche, accueille et répète les bruits injurieux qui se multiplient sans cesse contre les gens de lettres et les philosophes ? Sans prétendre faire une apologie de Bacon, ne peut-on pas croire qu’il fut calomnié souvent par les adversaires puissants et jaloux qui lui avaient disputé la place de chancelier ? N’est-il pas très facile de concevoir que le philosophe, en se livrant aux spéculations qui ont