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PRÉLIMINAIRE.

agitées vainement d’âge en âge, et que la curiosité humaine doit pour jamais s’interdire. L’optimisme peut sans doute s’attaquer par les armes du raisonnement, et surtout par celles de la plaisanterie. L’homme universel qui, de nos jours, a saisi le ridicule des opinions, comme Molière avait saisi le ridicule des caractères, combattit gaiement, dans sa vieillesse, les philosophes optimistes, dont il avait d’abord été le partisan. Le conte de Candide est un des jeux les plus originaux de cette imagination toujours mobile, qui s’appropriait en un instant les sentiments les plus opposés, qui sortait sans effort des passions terribles et touchantes de la tragédie. pour se jouer dans ces productions légères, où respirent toutes les grâces de l’esprit, toute la verve de la gaieté, et qui se replaçait tout à coup au milieu des illusions dramatiques, ou des vastes tableaux de l’histoire. Cependant, il faut l’avouer, Candide est une des productions où Voltaire a le plus outragé la décence et la morale publiques. Il semble y peindre à plaisir toutes nos misères, pour mieux insulter l’homme et la Providence elle-même. Il prodigue la plaisanterie ; mais sa plaisanterie même a quelque chose d’amer, et laisse dans l’âme un sentiment de tristesse.

S’il est permis de rire un moment avec Pangloss et Martin, il est peut-être plus doux de s’élever et de s’attendrir avec Pope et Platon. Il me suffit de savoir que leur système honore la Providence et console l’homme, pour que je l’adopte avec transport, et