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DE LA LITTÉRATURE.

blie : on est retombé dans l’enfance par la vieillesse, dans l’incertitude par le raisonnement. L’intérêt mutuel n’existe plus ; on est dans cet état que le Dante appelle l’enfer des tièdes. »

Mais quelle est donc cette époque où nous sommes parvenus, selon l’auteur, au plus affreux période de l’esprit public ? C’est précisément celle où, d’après le système de perfectibilité, les méthodes analytiques font disparaître toutes les erreurs, où la philosophie répand toutes les lumières, où la démonstration doit passer enfin des sciences exactes dans l’art de gouverner les hommes. Quoi ? dans un monument élevé il la gloire de la philosophie moderne, on ose dire en sa présence qu’elle a détruit toutes les illusions sans établir aucune vérité, et que l’excès du raisonnement n’a produit que l’excès de l’incertitude ! Ses plus terribles censeurs se permettraient à peine le langage de son nouveau panégyriste.

L’instinct chez les femmes juge mieux que le raisonnement. Madame de Staël n’a jamais plus de talent que lorsqu’elle abandonne son système ; et ce qu’elle sent est toujours plus vrai que ce qu’elle pense. Elle a beau vanter, avec effort, l’époque où chaque jour[1] ajoute à la masse des lumières, où chaque jour des vérités philosophiques acquièrent des développements nouveaux ; elle regrette plus d’une fois les temps où l’esprit humain, moins détrompé, laissait aux passions plus d’énergie, au sentiment plus de secrets et de dé-

  1. Paroles de l’auteur