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ŒUVRES DE FONTANES.

l’élève de ce philosophe que toutes les sciences ont nommé leur maître ; et cependant il se plaignait de n’avoir point un Homère. Sa grande âme avait deviné que les siècles et les héros doivent leur plus brillante renommée à ces arts touchants ou sublimes, dont le temps ne vieillit point les grâces et la beauté.

En second lieu, si les sciences ont fait des progrès incontestables, et si elles en doivent toujours faire, parce qu’elles seront toujours imparfaites et bornées, dirons-nous que le cœur humain doive aussi découvrir des vérités inconnues ? Les notions du juste et de l’injuste sont-elles changées depuis Socrate, comme le système d’Anaxagore, de Thalès et de Démocrite ? La conscience a-t-elle une autre voix ; obéira-t-elle à d’autres oracles ? Certes, le grand Ordonnateur n’abandonna point les vertus et la félicité de l’homme à la merci du hasard. Et que font aux vertus, à la morale, et par conséquent au bonheur qui n’existe point sans elles, toutes nos découvertes si vantées ? Leur absence n’a point arrêté, durant trente siècles, la civilisation de plusieurs empires illustres, qui sont parvenus au plus haut point de splendeur et de prospérité. La science des mœurs et des lois est fondée sur les premiers besoins de l’homme, sur ses affections les plus constantes, et sur ses intérêts les plus évidents. Cette science est née plus d’une fois par inspiration, comme tout ce qui est sublime, dans une grande âme ou dans une tête forte. Alfred-le-Grand et Charlemagne la possé-