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ŒUVRES DE FONTANES.

peut dissimuler, elle se hâte de nous apprendre que « les Grecs ne doivent point être considérés comme des penseurs aussi profonds que le ferait supposer la métaphysique de leur langue. Ce qu’ils sont, c’est poëtes, etc., etc. » ; et l’on a déjà vu que ce titre est peu de chose devant la philosophie de madame de Staël.

Mais ici, les inconsèquences redoublent encore ; elle avoue, contre son propre système, qu’on peut avoir des langues parfaitement analytiques sans le secours des philosophes (je me sers toujours des expressions de ceux que je combats), et qu’enfin les poëtes seuls ont créé le plus merveilleux instrument de la pensée.

On ne doit point s’étonner, j’en conviens, que cette marche rigoureuse à laquelle il faut assujettir ses idées et son style dans les ouvrages de raisonnement. fatigue bientôt l’imagination mobile des femmes ; elles seraient peut-être moins aimables en raisonnant avec plus de justesse. « La vive et trop fière Comala, dit un vieux Barde, veut se couvrir de l’armure des guerriers ; elle tremble sous ce poids trop pesant, et sa faiblesse l’embellit. » Madame de Staël aime les poésies erses : ce passage lui sera sans doute connu.

Mais ce qui doit surprendre davantage, c’est qu’une femme pleine d’esprit, écrivant sur la poésie et l’éloquence, méconnaisse leurs véritables principes, et semble ne goûter que faiblement leurs plus beaux ouvrages.

Tout était intéressant, animé, poétique, dans la religion, les mœurs et les usages des peuples de la Grèce ; et c’est une des causes de leur supériorité