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DE LA LITTÉRATURE.

S’il est une opinion généralement admise par les philosophes modernes, c’est que l’imperfection de nos langues est le plus grand obstacle aux développements de l’esprit humain, et qu’à l’aide d’une langue bien faite, il reculerait toutes ses bornes connues. Or, je lis dans un des écrivains les plus vantés, ces propres mots : « Que ne peut-on faire renaître cette belle langue grecque, dont le mécanisme est si parfaitement analytique ? » Je lis dans un autre, que « le système de la langue grecque fut conçu par des philosoplies et embelli par des poëtes. » Et madame de Staël soutient à son tour que les Grecs, malgré la perfection de leur idiome, n’ont fait que « commencer la civilisation du monde ; qu’ils ne pouvaient aller très loin, parce qu’il leur manquait ce qu’on ne peut devoir » qu’aux sciences exactes, la méthode, c’est-à-dire l’art de raisonner. »

Il faut nécessairement que la philosophie ou madame de Staël se trompe : il faut que l’esprit humain, malgré la philosophie, puisse rester encore dans l’enfance avec une langue parfaitement analytique, ou qu’il se soit très développé, malgré madame de Staël, chez un peuple qui possédait une langue aussi parfaite. On propose ce dilemme à tous ceux qui ne cessent de vanter les progrès de la méthode et de la bonne dialectique : on les supplie de faire ce qu’ils conseillent, et de joindre quelquefois l’exemple au précepte.

Madame de Staël semble avoir entrevu la force de cette objection ; aussi, dans son embarras qu’elle ne