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ŒUVRES DE FONTANES.

les barbares ; conserve et explique les vieux manuscrits dépositaires de tout le génie des anciens, sans lesquels nous serions si peu de chose ; parcourt l’Europe en versant les bienfaits ; défriche partout les terres arides, et, en multipliant les moissons, multiplie enfin le peuple des campagnes. Mais voici un plus grand spectacle. Du fond de leurs cellules, des hommes intrépides volent à de saintes conquêtes. Ils courent à travers tous les dangers jusqu’aux extrémités de la terre, et se la partagent pour gagner des âmes, c’est-à-dire pour civiliser des hommes. Les uns s’exposent aux feux des bûchers, parmi les hordes errantes du Canada ; leurs vertus subjuguent les barbares, et maintiennent après un siècle, dans ces contrées qui ont passé sous le joug de l’Angleterre, le respect et l’amour du nom français. Ceux-ci descendent sur les sables où fut Carthage, pour redemander à un peuple féroce des captifs qu’ils n’ont jamais vus, mais qu’ils regardent comme leurs frères ; ils ont même quelquefois poussé l’héroïsme jusqu’à prendre la place du prisonnier, que leurs dons ne suffisaient pas à racheter. Ces héros d’une espèce toute nouvelle poussent encore plus loin, s’il est possible, enthousiasme de l’humanité. Ils s’enferment dans des bagnes infects ; ils veillent près du lit des pestiférés, et s’exposent mille fois à mourir pour consoler des mourants. Enfin les miracles des anciennes législations se renouvellent, et le génie de Lycurgue et de Numa semble être redescendu après trois mille ans, dans les bois du Paraguay.

Je ne puis me refuser encore au plaisir de citer