Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

encore Jupiter sur le roc où l’enchaîne la Nécessité. Quelques traits de ce personnage avaient été indiqués dans les prophètes, mais d’une manière assez vague pour que l’auteur moderne, en le peignant, eût toute la liberté nécessaire à l’invention poétique. Satan, tel qu’il est conçu par Milton, ne prouve donc rien contre ces vers de Boileau :

De la foi d’un chrétien les mystères terribles
D’ornements égayés ne sont point susceptibles.


Remarquez bien cette expression d’ornements égayés. Boileau l’a placée encore plus haut, en parlant de l’effet heureux des fables anciennes dans la poésie épique :

Ainsi, dans cet amas de nobles fictions,
Le poëte s’égaye en mille inventions ;
Orne, élève, embellit, agrandit toutes choses.
Et trouve sous sa main des fleurs toujours écloses.


Mais ces fleurs ne croissent que sur les autels d’une religion douce et riante. La majesté du christianisme est trop sévère pour souffrir de tels ornements. Si on veut l’embellir, on la dégrade. Comment agrandir ce qui est infini ? Comment égayer une religion qui a révélé toutes les misères de l’homme ? D’ailleurs, le christianisme a des traditions précises et des dogmes invariables, dont ne s’accommode point un art qui ne vit que de fictions. Si la mythologie fut si favorable aux poëtes, c’est qu’elle était pour eux la source éternelle des ingénieux mensonges. Homère, Hésiode,