Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
SUR THOMAS.

où il la méritait davantage ? Une telle contradiction s’explique facilement. Les circonstances où parut cet écrivain contribuèrent à sa renommée. Il la dut autant à ses défauts qu’à ses beautés. C’était alors la mode de prodiguer le faste des sentences et d’affecter un ton superbe et chagrin contre tout ce qui était puissant. Quelques maximes d’indépendance et des invectives contre l’autorité donnaient un débit prodigieux à des livres maintenant inconnus. À ce genre d’effet, qui n’était pas encore épuisé, Thomas joignait un mérite moins facile et plus durable. Il avait reçu de la nature un talent qui n’était pas vulgaire, et ce talent se fortifia trente ans par des études sans nombre et des méditations continuelles. Ses écrits portent à la fois l’empreinte d’une âme fière et d’une imagination élevée. Il est vrai qu’en général cette imagination a plus de force que de souplesse, et plus de grandeur que de grâce. On sait que cet auteur est noble, grave, imposant ; mais qu’à l’exception de quelques morceaux, il est trop rarement simple, facile et naturel. Son vice principal est de grossir les traits et de charger les couleurs en voulant agrandir tout ce qu’il peint. Cette disposition à tout exagérer put s’accroître encore par le genre qu’il avait choisi ; car il n’a guère fait que des panégyriques.

Il parcourut le premier, avec gloire, la nouvelle carrière que l’Académie française ouvrit aux orateurs, lorsque, pour donner plus d’intérêt à ses concours, elle proposa l’éloge des grands hommes. Il se montra digne de les louer, par ses vertus comme par