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PRÉLIMINAIRE.

Les Grecs ne nous ont rien laissé dans ce genre. Le poëme d’Aratus[1] n’est point venu jusqu’à nous : le fragment que nous en a transmis Longin ne fait pas regretter la perte de ce poëte, qui était faible et boursouflé ; défauts souvent réunis. Empédocle était plus célèbre : Lucrèce lui a donné des éloges ; nous devons en croire ce témoignage. Lucrèce est le premier poëte ancien qu’on puisse comparer à Pope : quoique l’un ait écrit sur la physique, et l’autre sur la morale, on les a si souvent rapprochés, que je ne puis me refuser à ce parallèle. M. de La Harpe n’a fait que l’indiquer dans un extrait des œuvres de Pope. qui parut il y a quelques années[2]. Je tâcherai de suppléer à tout ce qu’eùû dit mieux que moi ce grand critique, qu’on peut appeler le Quintilien français. Je m’étendrai sur les beautés de Lucrèce, parce qu’elles me paraissent trop peu estimées de quelques écrivains célèbres[3].

Lucrèce, comme presque tous les athées fameux. naquit dans un siècle d’orages et de malheurs ; témoin des guerres civiles de Marius et de Sylla, n’osant attribuer à des dieux justes et sages les désordres de sa patrie, il voulut détrôner une Providence qui semblait abandonner le monde aux passions de quel-

  1. Aratus avait écrit sur l’astronomie et sur quelques parties de la morale.
  2. Voyez les Mercures de 1779.
  3. Entre autres, M. d’Alembert. Voyez ses Mélanges de Littérature et de Philosophie.