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DISCOURS

ques tyrans ambitieux. Il emprunta sa philosophie aux écoles d’Épicure ; et, maniant un idiome rebelle, qui, né parmi les pâtres du Latium, s’était élevé peu à peu jusqu’à la dignité républicaine, il montra dans ses écrits plus de force que d’élégance, plus de grandeur que de goût. Ce n’est pas que ce dernier mérite lui soit absolument étranger ; il n’exagère jamais les sentiments ou les idées, comme Lucain ; il ne tombe point dans l’affectation, comme Ovide : ces défauts, les pires de tous, ne sont point ceux de l’époque où il écrivait ; les siens sont plus excusables. Il n’a point connu cet art, qui fut celui des écrivains du siècle d’Auguste ; cet art difficile d’offrir une succession de beautés variées, de réveiller, dans un seul trait, un grand nombre d’impressions, et de ne les épuiser jamais en les prolongeant : il ne connut point enfin cette rapidité de style, qui abrége et développe en même temps.

Mais si nous examinons ses beautés, que de formes heureuses, d’expressions créées, lui emprunta l’auteur des Géorgiques ! Quoiqu’on retrouve dans plusieurs de ses vers l’âpreté des sons étrusques, ne fait-il pas entendre souvent une harmonie digne de Virgile lui-même ? Peu de poëtes ont réuni à un plus haut degré ces deux forces dont se compose le génie, la méditation qui pénètre jusqu’au fond des sentiments ou des idées, dont elle s’enrichit lentement, et cette inspiration qui s’éveille à la présence des grands objets. En général, on ne connait guère de son poëme que l’invocation à Vénus, la prosopopée de