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ŒUVRES DE FONTANES.

se développer avec la masse de l’armée entière. Tantôt les membres de la phrase se brisent, et, par leurs irrégularités, imitent la marche interrompue, les brusques évolutions, et le choc tumultueux des divers corps. La phrase, en un mot, est toujours d’accord avec ce qu’elle doit exprimer. Elle s’arrête ou se prolonge comme l’action, se varie avec toutes les incertitudes de la fortune, et se précipite avec les derniers mouvements qui la décident.

Bossuet représente aussi un capitaine expirant qui enflamme de ses derniers regards la valeur de ses troupes. Mais combien est simple et martial à la fois le tableau du vieux comte de Fontaines, porté dans sa chaise, à la tête des bandes espagnoles. Thomas ne peint qu’un corps mourant qui semble renaître. Bossuet, qui connait mieux la grandeur de l’homme, peint une âme guerrière maîtresse du corps qu’elle anime. C’est aussi, comme à Fontenoi, dans un étroit espace qu’il faut combattre, entre des marais et des bois. Mais sous quelle image Bossuet nous montre les deux armées prêtes à vider leur querelle comme deux braves en champ clos ! Voulez-vous mieux juger combien l’orateur moderne est faible ? Opposez à la marche de la colonne anglaise, dont la description aurait pu être si neuve et si brillante, la peinture de ces gros bataillons serrés qui ressemblent à autant de tours, mais à des tours qui sauraient réparer leurs brèches. Quelle énergie et quelle originalité ! que toute éloquence est médiocre auprès de celle-là ! Les qualités qui dominent dans Bossuet sont celles qui man-