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ŒUVRES DE FONTANES.

triction, sur des faits isolés dont la cause n’est point encore bien éclairci, et on sépare sa conduite des grandes circonstances qui la déterminèrent. Il fallait montrer ce grand ministre entre le siècle de la Ligue, dont il réprimait les dernières fureurs, et le siècle de Louis XIV, dont il préparait la gloire.

Mais Thomas, quoiqu’il eût beaucoup d’aperçus divers dans l’esprit, savait rarement saisir, dans un sujet, les points de vue les plus simples et les plus féconds. Il pensait en détail, si on peut parler ainsi, et ne s’élevait point assez haut pour trouver ces idées premières qui font penser toutes les autres. On voit dans ses ouvrages le fruit de la plus vaste lecture, des conversations les plus choisies, et d’un grand nombre de réflexions acquises par des études très variées. Mais on y chercherait en vain quelque chose de cet esprit original qui, loin des hommes et des livres, peut s’élever seul jusqu’à des conceptions nouvelles.

Si Thomas n’eut point cette espèce de force créatrice, il ne manqua pas moins de cette sensibilité vive ou douce qui se communique de l’âme de l’écrivain à celle du lecteur. Il voulut pourtant écrire sur les femmes !

Avant de composer sur elles un traité fort grave en prose oratoire, il nous avait dit en vers qu’il aimerait fort une beauté,

Qui sût tout voir, tout juger, tout connaître,
Sût avec Locke analyser son être,
Avec Montaigne épurer sa raison,
Et, se trouvant toujours ce qu’on doit être,
Sût au besoin goûter une chanson.