Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
SUR THOMAS.

« J’ai vu Norlingue et Lens, théâtre de sa gloire.
« À Fribourg, je l’ai vu qui, le fer à la main,
« Chez nos vieux ennemis se frayait un chemin.
« Son front dans le carnage était calme et terrible.
« Ah ! sous son ombre encor je serais invincible. »
— « Oui, j’en crois ton courage et ta noble vigueur.
« Vous avez donc servi sous ce noble vainqueur,
« Mes amis ; de ce nom souffrez que je vous nomme.
« Vous avez vu de près, entendu ce grand homme.
« Ah ! je connais des rois qui, fiers d’un tel honneur,
« Paîraient de tout leur sang ce suprême bonheur.
« Et vous, à mes regards daignez aussi paraitre,
« Pour vous mieux honorer je voudrais vous connaître,
« Soldats du grand Turenne : êtes-vous dans ces lieux ? »
Trois cents guerriers debout parurent à ses yeux,
Tels que ces troncs vieillis, ces vénérables chênes,
Que consacraient à Mars les légions romaines,
Dont les rameaux, chargés des dépouilles des rois,
Redisaient aux guerriers les antiques exploits.


Cette dernière comparaison me paraît sublime. Lucain n’a rien de plus beau dans les endroits où les gens de goût peuvent l’admirer. Ces vers de Thomas, qui est mort en 1785, ont précédé le livre sur l’Importance des Opinions religieuses, qui a paru en 1788. M. Necker peint aussi les Invalides prosternés sur les marbres du temple, et sa description mérite d’être citée.

« Qui de nous, dit-il, n’a pas ni quelquefois ces vieux soldats qui, à toutes les heures du jour, sont prosternés çà et la sur les marbres du temple élevé au milieu de leur auguste retraite ? Leurs cheveux que le temps a blanchis, leur front que la guerre a cicatrisé, ce tremblement que l’âge seul a pu leur imprimer, tout en eux inspire d’abord le respect : mais de quel sentiment n’est-on pas ému, lorsqu’on les voit soulever et joindre, avec effort, leurs mains défaillantes pour invoquer le Dieu de l’univers, et celui de leur cœur et de leur