Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
ŒUVRES DE FONTANES.

« Louez moins cependant un guerrier dont le bras
« N’a dû quelques succès qu’à ses braves soldats.
« Des vainqueurs de l’Europe il commandait l’élite :
« Il aima sa patrie, et voilà son mérite.
« Son devoir fut de vaincre ; il a vaincu. Louis
« L’a trop récompensé de servir son pays.
« Et d’un si grand honneur son âme est satisfaite.
« N’appelez point vertu l’amour de la retraite :
« Il se cache aux humains, il en est plus heureux. »
Il dit, et dans la foule il s’égara loin d’eux.
« Quel soupçon, dit Lefort, dans mon cœur vient de naître ?
« À ce noble discours puis-je le méconnaître ?
« Non, je n’en doute pas : c’est lui. Seul dans l’État,
« Catinat peut ainsi parler de Catinat. »
Il s’informe. On lui dit : C’est Catinat lui-même.


Cette manière de peindre Catinat est assurement très ingénieuse et très dramatique ; et quel intérêt n’éprouve-t-on pas au nom de tous ces grands hommes qui ne sont plus !

La moitié d’un grand siècle est déjà sous la tombe !


On sent que l’auteur, déjà prêt à perdre la vie, s’attendrissait en faisant ces vers, et son attendrissement est partagé par le lecteur.

Observez que Thomas doit les meilleurs passages de son poème au souvenir du grand siècle de Louis XIV. Il semble qu’en remontant vers ces jours de notre gloire, l’esprit s’élève et le goût s’épure. Les plus riches imaginations s’enrichissent encore à l’aspect de cet illustre théâtre où brillent tour à tour les images de Turenne et de Condé, de Pascal et de Bossuet, de Louvois et de Colbert, de Racine et de Corneille,