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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/32

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PRÉLIMINAIRE.

mais était-elle nécessaire aux genres qu’il a choisis ? Il mérite de nouveaux éloges pour s’être renfermé dans les bornes de son talent : tant de bons écrivains ont eu la faiblesse d’en sortir ! Il emploie toujours le degré de verve nécessaire à son sujet. Pourquoi donc l’a-t-on accusé de froideur ? Les jeunes gens. qui aiment l’exagération, lui ont fait souvent ce reproche. Plusieurs ont il expier des jugements précipités sur ce législateur du goût : heureux ceux qui se désabusent de bonne heure ! Despréaux n’a pas sans doute la philosophie de l’auteur anglais, qu’il égale au moins par le style. On ne peut guère exiger qu’il s’élevât au-dessus des idées de son siècle ; les siennes ne sont point inférieures à celles des moralistes ses contemporains, si l’on excepte La Fontaine et Molière. Combien de vers des épîtres à Lamoignon, à Guilleragues, à Seignelay, sont devenus proverbes, et se répètent tous les jours ! Il faut bien qu’ils n’expriment pas des vérités triviales. L’épître au grand Arnauld n’a-t-elle pas un but très moral, malgré les réflexions critiques d’un littérateur très distingué[1] ? Pour se convaincre de l’utilité de ce sujet, qu’on ouvre les Confessions de Jean-Jacques Rousseau : toutes les fautes dont il s’accuse naissent de la mauvaise honte. Que d’hommes trouveraient le même résultat, en interrogeant leur conduite ! Cependant, il faut avouer que Despréaux n’a pas traité les sujets de morale avec la même profondeur que le poëte

  1. Voyez la Poétique de M. Marmontel.