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DISCOURS

anglais. Il avait moins d’élévation dans les idées ; mais il compense bien ce désavantage par l’excellence de son goût et la justesse de son esprit.

J’arrive enfin au second rival de Pope, à Voltaire, qu’on rencontre dans tous les genres, ou comme modèle, ou comme imitateur. Cet homme extraordinaire voulut réunir aux riches dons qu’il avait reçus de la nature, tous ceux qu’elle avait dispensés aux différents génies anciens ou modernes ; il s’élança, pour les envahir, dans tous les arts et dans toutes les littératures. Après avoir emprunté avec goût quelques beautés tragiques au barbare génie de Shakespeare, il voulut enlever aux Anglais leur supériorité dans la poésie morale ; il fondit une partie de l’Essai sur l’Homme, et surtout la quatrième épître, dans ses Discours moraux.

On trouve, entre ces discours et l’Essai sur l’Homme, la même différence qu’entre les nations des deux poëtes. Les Anglais, dont le caractère pensif se plait dans la solitude, portent dans leurs ouvrages une sensibilité réfléchissante et les trésors d’une lente méditation : la profondeur, l’énergie et l’originalité restent donc à Pope. Mais Voltaire développe une philosophie plus aimable, plus claire, quelquefois même plus vraie, qui se proportionne mieux à toutes les intelligences. Ses contrastes ont plus d’effet de choix et de goût. Sa richesse a plus d’élégance, ses mouvements plus de grâce, et son style un abandon plus heureux. Peut-être sa raison n’est pas toujours aussi forte que juste. On voudrait qu’il eût