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DISCOURS.

pés six mois avec lui dans les glaces du Nord, et bravant les hivers de la Pologne, comme les étés de la Syrie ; qu’on peigne enfin ce repos toujours menaçant, qui doit finir par un éclat terrible, et surtout le moment décisif annoncé d’avance par vous-même, où ces âpres climats, devenus moins rigoureux, permettent à votre génie d’achever le triomphe et de contraindre les vaincus à la paix ; ce n’est point nous qui devons redire tant de travaux et tant d’exploits : quelque admirables qu’ils soient, ils ont coûté des larmes, ils ont inspiré même au vainqueur des regrets qui l’ont fait chérir davantage.

Nous cherchons des spectacles plus consolants ; nous aimons mieux vous suivre aux bords de ce fleuve où, sans appareil guerrier, deux barques portent deux Empereurs, et avec eux les destinées du monde. Jour mémorable ! jour unique dans tous les âges ! Ces deux armées en présence, qui bordent les deux rives du Niémen, contemplent avec étonnement une entrevue si pacifique, après des combats si meurtriers ; et tout à coup quatre cent mille soldats, Italiens et Bataves, Scythes et Sarmates, Germains et Français, laissent tomber leurs armes, quand les deux plus grands souverains de la terre s’avancent au milieu du fleuve, pour régler eux-mêmes le sort de tant d’États, et se donnent la main en signe de réconciliation. Alexandre et Napoléon se rapprochent, la guerre cesse, et cent millions d’hommes sont en repos.

Les intérêts même de l’avenir dépendront peut-être de ces augustes conférences dont le jeune héritier des