Aller au contenu

Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
PRÉLIMINAIRE.

bizarres. Sa satire sur les femmes me parait avoir bien plus de grâce, d’éclat et de mouvement, que la satire de Boileau : cette dernière, malgré ses beaux détails, tombe souvent dans les déclamations exagérées de Juvénal, ne laisse point apercevoir un esprit assez agréable, et se traîne trop longuement par des transitions lourdes et monotones[1].

J’avoue que je répugne à m’étendre sur les satires de Pope : il ne serait que plus grand, s’il avait dédaigné la bassesse de ses ennemis. On peut louer pourtant, et sans mêler des reproches à l’éloge, la satire adressée au docteur Arbuthnot. Pope s’y défend avec dignité contre ses calomniateurs ; ses plaisanteries sont pleines de verve, de sel et de raison ; il se venge noblement d’Adisson, qui avait été son ami dans la vie privée, et qui était devenu son persécuteur dans le ministère ; exemple renouvelé plus d’une fois ! Il rend justice à ses talents, à ses qualités estimables ; mais comme il révèle habilement la faiblesse d’un grand homme qui craint de perdre ou de partager la première place ! Pourquoi ne s’est-il pas toujours renfermé dans ces justes bornes ? Pourquoi publia-t-il la Dunciade, ce monument de haine et de mauvais goût, dont les allégories obscures ne peuvent être saisies et goûtées que par les Anglais ?

  1. Comme il ne faut critiquer les grands maîtres qu’avec circonspection, j’avertis que Voltaire, dans ses Questions encyclopédiques, porte le même jugement. La meilleure satire de Boileau est la neuvième, et c’est peut-être le chef-d’œuvre du genre.