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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/400

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DISCOURS.

qui en est l’image, aura nécessairement le même caractère. Alors une voix secrète semble dire à l’écrivain : Médite davantage, pénètre plus avant dans ta pensée, c’est de sa substance même, pour ainsi dire, qu’il faut tirer sa forme et sa ressemblance. L’expression et la pensée ont donc une commune origine qui se décèle dans la conformité de leurs traits. Des rapports intimes et mystérieux les attachent l’une à l’autre, comme l’âme au corps, et le principe à ses conséquences.

J’en atteste ici, Messieurs, non-seulement les poëtes et les orateurs, mais ces hommes qui sont l’honneur des sciences, et qui, dans un langage digne d’elles, nous racontent les révolutions de la terre ou du ciel, et ceux qui embellissent d’une sage élégance les recherches de l’érudition ou les théories des beaux-arts ; je les atteste tous sans crainte : ils vous diront mieux que moi combien ce travail est utile et fécond ; ils vous diront qu’en perfectionnant le goût, on perfectionne aussi l’intelligence : oui, le choix d’un seul mot, qui doit donner plus de force ou de grâce au discours, occupe souvent l’esprit tout entier ; et l’esprit en augmente de souplesse et d’énergie. Quoi ! s’écriera l’ignorance, un mot vaut-il tant d’efforts ? Mais ce mot nécessaire avait fui longtemps ; mais, quand il est saisi dans un moment favorable, il développe, il achève, il éclaire, il embellit la pensée. C’est par lui qu’elle est vivante ; que dis-je ? il la perpétue pour jamais, il va la rendre universelle. Ôtez ce mot, changez-le seulement de place, et ce que vous admiriez n’existe plus.

Ainsi donc l’art d’écrire et l’art de penser sont in-