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ESSAI SUR L’HOMME.



ÉPÎTRE II.




 Connais-toi, laisse à Dieu les secrets qu’il veut taire ;
L’homme est la seule étude à l’homme nécessaire.
L’homme entre deux pouvoirs vit toujours partagé,
Tel que l’isthme orageux par deux mers assiégé ;
Trop faible pour s’armer du courage stoïque,
Trop instruit pour flotter dans le doute sceptique,
Du corps ou de l’esprit doit-il suivre le vœu,
Commander ou servir, s’appeler brute ou Dieu ?
Maître et sujet de tout, unissant chaque extrême,
Esclave de la mort, héritier du ciel même,
Il voit également sa raison s’éclipser,
Quand il pense trop peu, quand il veut trop penser ;
Chaos tumultueux de passions contraires,
Vil jusqu’en ses grandeurs, grand jusqu’en ses misères,
Amoureux de soi-même, à soi-même en horreur,
Fait pour la vérité, n’embrassant que l’erreur,
Vide de biens réels, en faux biens il abonde,
La gloire, le jouet, et l’énigme du monde.

Va, sublime ignorant, monte aux cieux, pèse l’air,
Règle les vents, soulève et rabaisse la mer,