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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/69

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ŒUVRES DE FONTANES.

Combattez pour un mot, et dont la vaine adresse
Rend l’homme inexplicable en l’expliquant sans cesse,
Dans vos subtils débats opposez, j’y consens,
La grâce et la vertu, la raison et les sens ;
Pouvez-vous séparer deux puissances amies,
Par leur sage union à jamais affermies ?
La raison, l’amour-propre, ont le même désir :
Ils évitent la peine, ils cherchent le plaisir.
Mais l’un cueille la rose avant qu’elle fleurisse ;
L’autre en suce le miel sans blesser le calice.
Dans le champ du plaisir, que l’œil de la raison
Des innocentes fleurs distingue le poison ;
Heureux, si, modérant une indiscrète envie,
Tu ne portes la main qu’à l’arbre de la vie ;
Malheureux, si ton cœur succombait aux appas
De ce fruit défendu qui donne le trépas !

 Des passions en nous l’amour-propre est le père ;
Leur instinct se ressemble, et leur marche diffère ;
Un bien réel ou faux est l’objet de leurs vœux :
Tout mortel ici-bhas a le droit d’être heureux.
La loi de la nature avant tout veut qu’il s’aime ;
Et lorsque d’un bonheur concentré dans lui-même
Il peut jouir en paix sans offenser autrui,
Son intérêt l’absout, la raison est pour lui :
Mais quand la passion, par son but ennoblie,
Pour l’intérêt de tous elle-même s’oublie,
Elle change de nom, et devient la vertu.

 Le stoïque orgueilleux, par ses sens combattu,