Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome II, 1825.djvu/151

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cette reproduction de parties perdues ou retranchées, qui est sans exemple dans tous les animaux connus, s’exécutât par le seul mécanisme, imagina qu’il y avait dans les écrevisses une âme plastique ou formatrice, qui savait leur refaire de nouvelles jambes ; qu’il devait y en avoir une pareille dans les autres animaux, et dans l’homme même ; et parce que la fonction de ces âmes plastiques n’est pas de reproduire des membres perdus, il leur donna celle de former les petits animaux qui perpétuent les espèces. Ce seraient là les natures plastiques de M. Gudworth, qui ont eu de célèbres partisans, si ce n’était que celles-ci agissent sans connaissance, et que celles de M. Hartsoëker sont intelligentes. Ce nouveau système lui plut tant qu’il se rétracta hautement de la première pensée qu’il avait eue sur les petits animaux, et la traita lui-même de bizarre et d’absurde, termes que la plus grande sincérité d’un auteur n’emploie guère. Quant aux terribles objections qui se présentent bien vite contre les âmes plastiques, il ne se les dissimule pas ; et poussé par lui-même aux dernières extrémités, il avoue de bonne foi qu’il ne sait pas de réponse. Il semble qu’il vaudrait autant n’avoir point fait de système, que d’être si promptement réduit à en venir là. Il ne s’agit que d’avouer son ignorance un peu plus tôt.

Il rassembla les discours préparés qu’il avait tenus à l’électeur, et en forma deux volumes, qui parurent en 1707 et 1708 sous le titre de Conjectures physiques, dédiés au prince pour qui ils avaient été faits. Cet ouvrage est dans le même goût que les Essais de physique, dont il ne se cache pas de répéter quelquefois des morceaux en propres termes, aussi bien que de l’Essai de