Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/282

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sur des impostures visibles. De là vient qu’on dit que le paganisme roulait, non pas sur les prodiges, mais sur les prestiges des démons, ce qui suppose qu’en tout ce qu’ils faisaient il n’y avait rien de réel ni de vrai.

Il peut être cependant que Dieu ait quelquefois permis aux démons quelques effets réels. Si cela est arrivé, Dieu avait alors ses raisons, et elles sont toujours dignes d’un profond respect ; mais, à parler en général, la chose n’a point été ainsi. Dieu permit au diable de brûler les maisons de Job, de désoler ses pâturages, de faire mourir tous ses troupeaux, de frapper son corps de mille plaies ; mais ce n’est pas à dire que le diable soit lâché sur tous ceux à qui les mêmes malheurs arrivent. On ne songe point au diable, quand il est question d’un homme malade ou ruiné. Le cas de Job est un cas particulier : on raisonne indépendamment de cela, et nos raisonnements généraux n’excluent jamais les exceptions que la toute-puissance de Dieu peut faire à tout.

Il paraît donc que l’opinion commune, sur les oracles, ne s’accorde pas bien avec la bonté de Dieu, et qu’elle décharge le paganisme d’une bonne partie de l’extravagance, et même de l’abomination que les saints Pères y ont toujours trouvée. Les païens devaient dire, pour se justifier, que ce n’était pas merveille qu’ils eussent obéi à des génies qui animaient des statues, et faisaient tous les jours cent choses extraordinaires ; et les chrétiens, pour leur ôter toute excuse, ne devaient jamais leur accorder ce point. Si toute la religion païenne n’avait été qu’une imposture des prêtres, le christianisme profitait de l’excès ridicule où elle tombait.