Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/290

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protectrice d’Athènes, tâchait en vain, par toutes sortes de moyens, d’apaiser la colère de Jupiter ; que cependant Jupiter, en faveur de sa fille, voulait bien souffrir que les Athéniens se sauvassent dans des murailles de bois, et que Salamine verrait la perte de beaucoup d’enfants chers à leurs mères, soit quand Cérès serait dispersée, soit quand elle serait ramassée. Sur cela Oenomaos perd entièrement le respect pour le dieu de Delphes.

« Ce combat du père et de la fille, dit-il, sied bien à des dieux ; il est beau qu’il y ait dans le ciel des inclinations et des intérêts contraires. Jupiter est courroucé contre Athènes, il a fait venir contre elle toutes les forces de l’Asie ; mais s’il n’a pas pu la ruiner autrement, s’il n’avait plus de foudres, s’il a été réduit à emprunter des forces étrangères, comment a-t-il eu le pouvoir de réunir contre cette ville toutes les forces de l’Asie ? Après cela cependant il permet qu’on se sauve dans des murailles de bois ; sur qui donc tombera sa colère ? Sur des pierres ? Beau devin, tu ne sais point à qui seront ces enfants dont Salamine verra la perte, s’ils seront Grecs ou Perses ; il faut bien qu’ils soient de l’une ou de l’autre armée : mais ne sais-tu point du moins qu’on verra que tu ne le sais point ? Tu caches le temps de la bataille sous ces belles expressions poétiques, « soit quand Cérès sera dispersée, soit quand elle sera ramassée » ; tu veux nous éblouir par ce langage pompeux : mais ne sait-on pas bien qu’il faut qu’une bataille navale se donne au temps des semailles ou de la moisson ? Apparemment ce ne sera pas en hiver. Quoi qu’il arrive, tu te tireras d’affaire par le moyen de ce Jupiter que Minerve tâche d’apaiser. Si les Grecs