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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/298

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Il est toujours constant par ces exemples, et il le serait encore par une infinité d’autres s’il en était besoin, que le peuple était quelquefois d’humeur à écouter des plaisanteries sur sa religion. Il en pratiquait les cérémonies seulement pour se délivrer des inquiétudes qu’il eût pu avoir en ne les pratiquant pas ; mais, au fond, il ne paraît pas qu’il y eût trop de foi. À l’égard des oracles, il en usait de même. Le plus souvent, il les consultait pour n’avoir plus à les consulter, et, s’ils ne s’accommodaient pas à ses desseins, il ne se gênait pas beaucoup pour leur obéir. Ainsi, ce n’était peut-être pas une chose si constante, même parmi le peuple, que les oracles fussent rendus par des divinités.

Après cela, il serait fort inutile de rapporter des histoires de grands capitaines qui ne se sont pas fait une affaire de passer par-dessus des oracles ou des auspices. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que cela s’est pratiqué même dans les premiers siècles de la république romaine, dans ces temps d’une heureuse grossièreté, où l’on était si scrupuleusement attaché à la religion et où, comme dit Tite-Live, dans l’endroit même que nous allons citer de lui, on :ne connaissait point encore cette philosophie qui apprend à mépriser les dieux. Papirius faisait la guerre aux Samnites, et, dans les conjonctures où l’on était, l’armée romaine souhaitait avec une extrême ardeur que l’on en vînt à un combat. Il fallut auparavant consulter les poulets sacrés, et l’envie de combattre était si générale, que, quoique les poulets ne mangeassent point quand on les mit hors de la cage, ceux qui avaient soin d’observer l’auspice ne laissèrent pas de rapporter au consul qu’ils avaient fort bien mangé. Sur cela, le consul promet