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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/307

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et confirma, par des oracles, sa mauvaise prononciation. Cette dernière façon de conter l’histoire est peut-être la meilleure. Les petites origines conviennent assez aux grandes choses.

Auguste fut si amoureux de Livie, qu’il l’enleva à son mari toute grosse qu’elle était, et ne se donna pas le loisir d’attendre qu’elle fût accouchée pour l’épouser. Comme l’action était un peu extraordinaire, on en consulta l’oracle. L’oracle, qui savait faire sa cour, ne se contenta pas de l’approuver : il assura que jamais un mariage ne réussissait mieux que quand on épousait une personne déjà grosse. Voilà pourtant, ce me semble, une étrange maxime.

Il n’y avait à Sparte que deux maisons dont on pût prendre des rois. Lysandre, un des plus grands hommes que Sparte ait jamais eus, forma le dessein d’ôter cette distinction trop avantageuse à deux familles et trop injurieuse à toutes les autres, et d’ouvrir le chemin de la royauté à tous ceux qui se sentiraient assez de mérite pour y prétendre. Il fit pour cela un plan si composé et qui embrassait tant de choses, que je m’étonne qu’un homme d’esprit en ait pu espérer quelque succès. Plutarque dit fort bien que c’était comme une démonstration de mathématiques à laquelle on n’arrive que par de longs circuits. Il y avait une femme dans le Pont qui prétendait être grosse d’Apollon. Lysandre jeta les yeux sur ce fils d’Apollon, pour s’en servir quand il serait né. C’était avoir des vues bien étendues. Il fit courir le bruit que les prêtres de Delphes gardaient d’anciens oracles qu’il ne leur était pas permis de lire, parce qu’Apollon avait réservé ce droit à quelqu’un qui serait sorti de son sang et qui viendrait