Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/334

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fécondes. Si on les consultait sur quelque terre que l’on voulait acheter, voilà des bœufs pour la labourer, voilà des champs fertiles. Si on les consultait sur un voyage, les bœufs sont attelés et tout prêts à partir, ces campagnes fécondes vous promettent un grand gain. Si on allait à la guerre, ces bœufs, sous le joug, ne nous annoncent-ils pas que vous y mettrez aussi vos ennemis ? Cette déesse de Syrie apparemment n’aimait pas à parler, et elle avait trouvé moyen de satisfaire, par une seule réponse, à toutes sortes de questions.

Ceux qui recevaient ces oracles ambigus prenaient volontiers la peine d’y ajuster l’événement, et se chargeaient eux-mêmes de le justifier. Souvent ce qui n’avait eu qu’un sens dans l’intention de celui qui avait rendu l’oracle, se trouvait en avoir deux après l’événement ; et le fourbe pouvait se reposer sur ceux qu’il fourbait, du soin de sauver son honneur. Quand le faux prophète Alexandre répondit à Rutilien, qui lui demandait quels précepteurs il donnerait à son fils, qu’il lui donnât Pythagore et Homère, il entendit tout simplement qu’on lui fit étudier la philosophie et les belles-lettres. Le jeune homme mourut peu de jours après, et on représentait à Rutilien que son prophète s’était bien mépris. Mais Rutilien trouvait, avec beaucoup de subtilité, la mort de son fils annoncée dans l’oracle parce qu’on lui donnait pour précepteurs Pythagore et Homère, qui étaient morts.