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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/373

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tout, et l’esclavage produisit la paix. Il me semble que les Grecs n’ont jamais été si heureux qu’ils le furent alors. Ils vivaient dans une profonde tranquillité et dans une oisiveté entière ; ils passaient les journées dans leurs parcs des exercices, à leurs théâtres, dans leurs écoles de philosophie. Ils avaient des jeux, des comédies, des disputes et des harangues ; que leur fallait-il de plus selon leur génie ?

Mais tout cela fournissait peu de matière aux oracles, et l’on n’était pas obligé d’importuner souvent Delphes. Il était assez naturel que les prêtres ne se donnassent plus la peine de répondre en vers quand ils virent que leur métier n’était pas si bon qu’il l’avait été.

Si les Romains nuisirent beaucoup aux oracles par la paix qu’ils établirent dans la Grèce, ils lui nuisirent encore plus par le peu d’estime qu’ils en faisaient. Ce n’était point là leur folie. Ils ne s’attachaient qu’à leurs livres sibyllins et à leurs divinations étrusques, c’est-à-dire aux aruspices et aux augures. Les maximes et les sentiments d’un peuple qui domine passent aisément dans les autres peuples ; et il n’est pas surprenant que les oracles, étant une invention grecque, aient suivi la destinée de la Grèce, qu’ils aient été florissants avec elle et qu’ils aient perdu avec elle leur premier éclat.

Il faut pourtant convenir qu’il y avait des oracles dans l’Italie. Tibère, dit Suétone, alla à l’oracle de Gérion, auprès de Padoue. Là était une certaine fontaine d’Apollon, qui, si l’on en veut croire Claudien, rendait la parole aux muets et guérissait toutes sortes de maladies.

Suétone dit encore que Tibère voulait ruiner les oracles qui étaient proches de Rome, mais qu’il en fut détourné par le miracle des sorts de Préneste, qui ne se